COUDREAU, Henri. Voyage au Tocantins - Araguaya: 31 décembre 1896 - 23 mai 1897. Paris: A. Lahure, 1897. 298 p.

' .VOY GE AU TOCANTINS-1 R GUAY 87 Apres des espaces bas oi1 il semble qu'on aura·it plarité du capim - a moms que ce soit là quelque cainpina naturélle, - c'est partout, au fond, en aval .et en amont, le marécage.... Nous repartons à midi, poursuivant notre route entre la rive gauche et une ile basse, ma1·écageuse comme la cc terre ferroe >> d'en face. Le midi est lourd sur cette riviere des marais. Pas un souffie de h!'ise. Au ciel de vilains nuages dessinant des barbouillage_s gris sale autour des -espaces restés bl~us. Sur la rive, de rares papillons, da1is le plein ciel de la riviere; une tribu de mouches en voyage se reflétant dans· l'eau verte ou ·blene. Un grand silence sur tout cela et_à I'hOl'izon quelques· éclairs rapides et quelq.iles bruits lointains de tonnerre. Le ·co~1eh:rnt est maintenant d'azur tendre el fait nuages ~)laacs et lége1·s. Le levant est noir suF un point ·reslreint qu-i voyage. La section noire du levant g_agne et s'étend, elle projette son ombre ·sur plus d'une moitié du ciel qui se foit obscure. _Ce sont dcs paysages bizarres comme ceux qu'on verrait de loin à traver!) les verres de couleur d'une serre fontaisiste. Puis ce sont de grands rayons qui marchen.t comme une <lraperie qu'oii tirerait de <lroile à gauche : le levant change ·de décors. De nouvelles teinles, .de nouvelles formes apparaissent comme un myslérieux grimóire sur ui1 palimpseste à demi effacé. Puis nn ·vent frais qui devient vif. La toile dl!l levant se plisse et se .déchire. II sort de cette déchirur·e un énorme brouillard qui déborde, s'avance, rapide ct _sur, et bientôt couvre de sâ lourde livrée gris-sombre Loul ce .qüe nous voyions de la terre et du ciel. Tout est dans une demi-obsc~1rité. Du gris par~out. Une forte poussée d'un vent presque froiq sous lequel on fris~onne. C'est la nuit momentanée, ·la nuit grise. J./averse est sur nous. Elle a été prompte, elle tombe maintenant pat'lout, sifflante, crépitante, fumante. On ne voit rien et il regne un seul bruit, le bruit de la pluie éno.rme et brutale criblant de ses traits rapides et pt'essés1es eaux clapotantes sur . lesquelles nous . errons, un pen indé~is, a,u hasard d'une d.irecti·on prise incertaine duns l'obscurité qui tombe de la tempête. · Peu apres cet ouragan de pluie, poursuivant vers l'horizon plein d'une

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