COUDREAU, Henri. Voyage au Tocantins - Araguaya: 31 décembre 1896 - 23 mai 1897. Paris: A. Lahure, 1897. 298 p.
,. 52 VOYAGE AU TO CAN TJ N S- A RAGUAYA. branche , les autres poussent ou tirent chacun selon son ingéniosilé, sa force ou sa paresse. Enfin ·: on passe 1 Et la route se poursnit, combien lente I II nous arrive aussi: et cela plusieurs fois aujourd'hui, que le g·ancheiro d'avant, le gancheiro du gancho-boi, manque son coup. Dans certains cas si l'igarité est dans un courant il peut arriver (et en effet il nous arrive), que l'igarité, prise pae le courant, est emportcie à 100 metres environ en arriere ! Nous passons différents ports d'atterrissement laissant voir des baraques : des castanhei_ros travaillent par là. II n'est que 10 heures du.matin et il semble qu'on marche dans les approches de Ja nuit, le ciel, obscur., est humide, lrnmide d'une grasse pluie prêle · à tomher. De lointain_s et sourds grondements éclatent dans les profondeu1·s des forêts de la rive gauche. Des colonnes de nuages viennent de _là sur nous dans un mouvement rapide, en arrivant sur le lit de la riviere les nuages com- , mencent à se di.ssoudre; la pluie tombe, noyant terre et ciel. Nous naviguons dans les buissons riverains sur lesquels l'averse fait rage. Je ne sais comment les hommes font pour y voÍil', toutefois ils entrainent le canot dans m;e course furieuse brisant avec fracas les branchages. Le torse nu, le– pantalon ruisselant, ils tremblent de froid bien qu'ils travaillent de bon creur. Un peu de tafia, et les branche~ de craquer de plus belle, et l'igarité, pareille à un sanglier monstrueux, d'éventrer les fourrés ! · . · Puis, changement à vue : riviere libre. Des arbres, arbre par arbre, sont isolés dans le lit de la riviere,. rachitiques, _avec un'e grosse touffo de branches supérieures le~ coiffanl d'un uniforme ,parasol. A -~' heure du déjeuner on cherche pour accoster. Qn cherche un peu de terre ferme qu'on ne tr~JIVe pas. Si on rencontre un «torrão>> on allume, à force de pétrole, quelq ~es hranches mortes trempées de pluie. Sous le ciel voilé, le sous-bois n'est que ténebres; quand la pluie s'avance, croulante, à travers la forêt, elle fait l'ombre encore plus compacte; ce bruit, celt~ épaisse -aveFse criblant ]'espace, ont quelque chose de saisissant : on s'accroupit sous son parapluie dans la forêt :ruisselante et l' on fait le gros dos en regarda~t par_ terre dans Ies feuilles mortes que la pluie claue au sol. Tantôt tombant 0 t~ntôt menaçant, la ~luie nous pom·stlit parfois jusqu'au •
RkJQdWJsaXNoZXIy MjU4NjU0