MOLIÈRE (pseudônimo). Tartuffe ou l'imposteur: comédie en cinq actes. Paris: Librairie Universelle, 1667. 94 p.
PRÉFACE DE MOLIERE XXXI mêmc mot dcs choscs opposées, il nc faut qu'ôter le voilc de l'équivoquc, ct regarder ce qu'és t la cornédie en soi, pour voir si elle est condarnnable. On connaitra, sans doute, que, n'étant autre chose qu'un poemc ingé– nieux, qui, par des leçons agréables, reprend les défauts des homrnes, on ne saurait la censurer sans injustice; et, si nous voulons ou'ir là-dessus le térnoignage de l'antiquité, elle nous dira que ses plus célebres philo– sophes ont donné des louanges à la comédie, eux qui faisaient profession d'une sagesse si austere, et qui criaient sans cesse apres les vices de leur siecle. Elle nous fora voir qu'Aristote a consacré des veilles au théâtre, et s'est donné le soin de réduire en préceptes l'art de faire des comédies. Elle noU:s apprendra que de ses plus grands hommes, et des premiers en dignité, ont fait gloire d'en composer eux-mêmes; qu'il y en a eu d'autres qui n'ont pas dédaigné de réciter en public celles qu'ils avaient composées; que la Grece a fo.it pour · cet art éclater son estime, par les prix glorieux et par les superbes théâtres dont ellc a voulu l'honorer; et que, dans H.ome enfin, ce même art a reçu aussi des hon– neurs,extraordinaires : je ne dis pas dans Rome débau– chée, et sous la licence des empereurs, mais dans Home disciplinée, sous la sagesse des consuls, et dans les temps de la vigueur de la vertu romaine. J'avoue qu'il y a eu dcs temps ou la comédie s'est corrompue. Et qu'est-ce que dans le monde on ne corrompt point tous les jours~ 11 n'y a chose si inn,o– cente, ou les hornmes ne puissent portcr du crime; point d'art si salutaire, dont ils ne soient capables de ~enverser les intentions ; rien de si bon en sei, qu'ils nc _missent tourner à de mauvais usages. La médecine est un art profitable, et chacun la révere comrne une des plus excellentes choses que nou,s ayons; et cependant il y a eu des temps ou elle s'estrendue odieuse, et souvent on ena fait un art d'empoisonner les hommes. La phi– losophie est un présent du ciel; elle nous a été donnée
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